
“The only thing worse than being blind is having sight but no vision”.
Helen Keller
“Derrière la notion d’emprise, il y a la notion de consentement. Une personne sous emprise est conditionnée. Elle n’a plus les moyens de dire non”. M.F. Hirigoyen
La dénomination de “gourou” est associée à l’appartenance sectaire, mais ne nous y trompons pas, aujourd’hui de nouveaux gourous, prophètes en tous genres, prolifèrent partout et dans tous les domaines (santé et bien-être, développement personnel, alimentation, yoga, méditation… ).
Le gourou est un vendeur de rêves, un dealer de promesses, le leader de l’imposture, il se complait dans sa perversion. Sa personnalité charismatique et forte en fait un expert dans l’art de la manipulation mentale. Au jeu du pouvoir il est le maître absolu, il possède, selon lui, la vérité et lui seul peut nous la transmettre. Il identifie les besoins de sa victime, ses faiblesses, s’en sert pour la manipuler, la dominer, l’affaiblir. Pour cela il n’hésite pas à isoler sa proie en la coupant de sa famille, de ses amis, à pervertir les valeurs et croyances, à orienter les comportements. Il s’agit d’abuser de la crédulité d’autrui, sans vergogne. Le conditionnement d’un individu en situation de faiblesse est aisé pour ce séducteur narcissique. L’adepte se soumet sans questionnement, il fait confiance. Il idéalise son gourou avec ce sentiment profond d’appartenance à l’élite des nouveaux savoirs.
L’aura du gourou influence notre réflexion, notre objectivité. Après la séduction arrive la soumission avec une addiction pour le gourou qui n’a de cesse que de servir sa propre cause. Vouloir se reposer sur quelqu’un paraissant inébranlable conduit indubitablement à la dépendance.
De nouveaux gourous font leur apparition, discrètement, dans l’ombre d’un statut, d’une organisation voire d’une profession. Se révèlent alors des maitres à penser, des sages de la recouvrance de l’estime de soi, des sauveurs, des coachs de vie. Rappelons-nous que le contrôle sur l’autre flatte l’Ego, nous donne de l’importance dans un monde où règne le culte de la perfection, de la performance, du “Moi Idéal”. Alors surviennent les dérives…
Demander l’aide d’un coach c’est déjà reconnaitre notre difficulté à gérer pleinement les situations auxquelles nous sommes confrontés, c’est potentiellement ouvrir une porte au diktat de quelqu’un que nous ne connaissons pas et qui quelque part s’octroie avec arrogance le pouvoir de résolution. Nous n’avons pas suffisamment confiance en nous alors nous choisissons de faire confiance à un inconnu.
La personne en situation de doute, de faiblesse, de fragilité se voit rassurée, sécurisée et peut rapidement devenir dépendante de son coach. L’intrusion dans notre vie privée, l’influence exercée sur nos comportements peut nous priver “de nous”, de ce que nous sommes, de ce que nous voulons. Le coaching ne doit pas devenir addictif. L’emprise du coach sur l’individu fragilisé, en attente de réponses, d’accompagnement est sournoise. Le coach sûr de lui peut rapidement par son influence être vénéré, adulé car “il sait”, il détient la solution. Il devient le libérateur.
Le rôle d’un coach n’est pas de diriger mais d’accompagner, la méprise est de taille. Pour asseoir leur réussite certains d’entre eux n’hésitent pas consciemment ou inconsciemment à pratiquer la manipulation mentale pour satisfaire leur propre Ego, pour asseoir leur réussite personnelle et professionnelle. Ils s’auto-persuadent de leur pouvoir sur autrui, de leurs savoirs indéfectibles . La projection n’est pas l’empathie.
Le rôle d’un coach est de nous aider :
- à réfléchir, il ne doit pas nous imposer sa façon de penser,
- à prendre conscience de nos capacités, à retrouver confiance en nous, à avoir une opinion positive de nous-mêmes,
- à nous accompagner pour le changement, l’amélioration,
- il doit favoriser l’introspection mais en aucun cas la sur-analyse qui peut s’avérer dangereuse, dévastatrice.
Le coach, quelque soit son secteur d’activité ne doit pas :
- nous faire devenir quelqu’un d’autre soit disant pour notre bien,
- nous assaillir de savoureux conseils sous prétexte que lui a réussi,
- nous classifier ( valorisation de certains qui vont être fiers d’appartenir à ce groupe d’élites, aux êtres supérieurs, ou dévalorisation),
- nous isoler de notre milieu familial et social, nous faire nous endetter,
- nous séduire plus que de mesure,
- nous conduire à vénérer le “soi” par son intermédiaire,
- nous faire devenir dépendant, adepte d’une stratégie, d’une idéologie,
- nous confiner au statut de marionnette, nous contrôler, nous soumettre,
- nous confronter à un état de sujétion,
- exploiter nos failles, remettre en question nos valeurs.
La frontière entre bienveillance et despotisme peut aisément être franchie par tous ces nouveaux prophètes du bien-être et de l’accompagnement. Soyons vigilants lorsque nous nous sentons mal à l’aise face à une personne trop invasive, trop dirigiste, trop directive, ou face à un groupe trop entreprenant, avide de domination. Notre liberté dépend de notre capacité à discerner le manipulateur du bienfaiteur, trouvons notre propre chemin…